dimanche 28 octobre 2012

Le mec de la tombe d’à côté

Le froid est arrivé (ou mieux, il est de retour). Vues les conditions météo difficiles et l’avalanche de travail (l’overbooking continue!), j’ai renoncé à tous les projets de balade et je suis en train de terminer un week-end casanier. Si vous comme moi restez à la maison, rien de mieux qu’un bon bouquin. Aujourd’hui je vous suggère un roman romantique qui nous vient de Suède:

 

Katarina Mazetti nous plonge dans l’histoire de Désirée, une bibliothécaire citadine, veuve et cultivée, et de Benny, un agriculteur vivant à la campagne, célibataire et qui a interrompu ses études pour s’occuper de la ferme familiale.

Ces deux personnages n’ont rien en commun. Pas de rapprochement possible, donc, si ce n’est pas les hasards de la vie – ou plutôt, dans ce cas, de la mort!

C’est en effet au cimetière que ces deux voisins de tombe se rencontrent (tombe du défunt mari pour elle, et des parents disparus pour lui). Si au début ils se jettent des regards en coin et se détestent par la même occasion, se trouvant réciproquement très (trop) bizarres, les deux commencent à fantasmer sur leurs vies réciproques, et finissent par se parler et même se revoir au delà du cimetière.

C’est le coup de foudre. Une passion violente, physique, qui les emporte et qui semble effacer les différences et les préjugés qui opposaient Désirée et Benny…on croise donc les doigts pour un final heureux…
….Mais petit à petit les oppositions réapparaissent. Plus l’histoire avance, plus les différences de gout, d’opinion, de comportement deviennent insurmontables. Nos héros finissent par se séparer, mais reconnaissent qu’un lien unique continue de les unir…

Dans un style agréable et fluide, l’auteur propose une histoire classique, et en même temps très actuelle. La narration oppose le point de vue des deux protagonistes, raconté à la première personne. On se rend aussi compte “en direct” de leurs espoirs, de leurs frustrations, de leurs joies. Même si le lecteur a envie d’y croire, les malentendus se construisent sous ses yeux…et on voit comme des “prises de tête” plutôt bêtes finissent par devenir rapidement des tragédies nationales, qui mettent sérieusement en danger (et font, au final, capoter) celle qui aurait pu être une belle et longue histoire d’amour.

J’ai vraiment bien aimé ce bouquin, non seulement parce qu’il est bien écrit et très prenant, mais aussi parce qu’il fait réfléchir aux barrières et limites mentales qu’on se créé tout seul et qui souvent empêchent d’atteindre le bonheur.

En voici deux extraits, le premier écrit par Désirée, et le deuxième par Benny.

[Désirée] “J’eus le sentiment de me trouver au milieu du rêve de quelqu’un d’autre. Quelqu’un en train de piéger un séduisant-propriétaire-foncier-avec-vingt-quatre-vaches-laitières. Plus le recrutement. Sauf que moi, je n’avais rien demandé de tel, je m’étais plutôt réconciliée avec l’idée de rester vieille fille, à la rigueur avec un chat. Et un amant par petites doses pour maintenir les hormones à un niveau stable.
C’était en quelque sorte too much, comme disait toujours Märta. E tout cas, vingt-quatre de trop. Mais, je ne le dis pas. Il en était tellement fier.
Ensuite ça a évidemment fait des histoires quand j’ai eu envie de rentrer chez moi. J’avais accumulé  exactement la quantité de broderies au point de croix et de procédés de fumure que je pouvais supporter en un jour et une nuit. J’avais besoin de chouchouter mon châssis durement éprouvé dans un bain chaud, de lire Dagens Nyheter, d’écouter un peu de Boccherini, de boire une tisane et de me coucher dans des draps blancs et propres. J’avais besoin de réfléchir. Mais avant que j’aie eu le temps d’exprimer tout cela d’une façon aimable, Benny a sorti du congélateur un kilo de viande hachée qu’il m’a lancée en disant, tout excité, que ça nous ferait le diner – on pourrait peut-être faire des boulettes de viande? Mon regard alla de lui au bloc congelé, puis à lui de nouveau. Je dis un truc tiré par les cheveux comme quoi je me trouvais sur le coup d’un choc des cultures et qu’il fallait me ramener dans mon milieu habituel un petit moment.” (pp. 87-88)

[Benny] “Parfois j’ai l’impression que je suis ne train d’apprendre son corps par cœur, comme si j’avais peur qu’il disparaisse. Je connais ses creux sous les clavicules, ses orteils droits, le grain de beauté sous son sein gauche et le duvet blanc sur ses avant-bras. Si on jouait à colin-maillard, je ne me tromperais jamais, à condition qu’elle soit nue. Je crois que je la reconnaitrais rien qu’à la manière dont son nez forme un angle qui pointe en l’air. C’est assez marrant, elle se trouve tout à fait quelconque. Moi, j’ignore totalement si elle est belle ou laide, ça n’a aucun intérêt, pourvu qu’elle reste comme elle est.
Ce soir-là, elle n’a pas dit un mot. Je ne savais pas si je pouvais commencer à lui faire l’amour, en général elle montre clairement quand c’est le moment. Puis elle a poussé un long soupir, m’a repoussé sur le dos, a pris mes mains baladeuses et les a croisées sur ma poitrine. Puis elle s’est mise à jouer justement à colin-maillard avec moi, toujours sans dire un mot. (…) Elle ne m’avait jamais touché comme ça auparavant – et il n’était pas question de zones érogènes. En tout cas pas pendant un long moment. Je crois que j’étais au bord des larmes. Et je sais qu’elle pleurait. Ses larmes tombaient sur ma main mais quand j’ai essayé de dire quelque chose, elle a posé un doigt sur ma bouche.
- Chut, j’essaie ma vie! a-t-elle dit. Je ne sais pas ce qu’elle voulait dire, mais à ce moment-là, ça paraissait évident, comme ça arrive parfois dans les rêves.” (pp. 135-137)

Maintenant que je vous ai (peut être) convaincus de courir à la Fnac (ou chez Payot, ou à la bibliothèque) vous procurer le bouquin Rire  gorge dploye, quittons nous avec une belle chanson qui résume bien le livre, “Fotoromanza” de l’italienne Gianna Nannini. Bonne route!

Gianna Nannini – Fotoromanza

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